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Un quinoa durable, ça existe !

Publié le 26 avril 2013 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2020

Base de l’alimentation des populations andines qui la cultivent depuis des siècles, le marché du quinoa explose depuis les années 1980. La FAO a proclamé 2013 « année internationale du quinoa ». L’organisation des Nations Unies ne tarit pas d’éloges sur cette « céréale de l’avenir », qui doit apporter « une contribution fondamentale dans la lutte de la communauté internationale contre la pauvreté et la faim ». 

Une sacrée graine

Le quinoa est l'un des produits phare du commerce bio et équitable. Elle est considérée par les indiens comme sacrée, le symbole de la fertilité de la terre dans les rites andins. 
Les Incas appelaient le quinoa « chisiya mama », qui signifie en quechua « mère de tous les grains ».  
C’est en fait une pseudo-céréale, puisqu'il ne fait pas partie de la famille des graminées, mais de celle des épinards. Cette petite graine est reconnue pour ses qualités nutritionnelles remarquables, et notamment pour sa forte teneur en protéines et l’absence de gluten. Ces atouts diététiques expliquent son succès sur les marchés occidentaux.
 

2 origines chez ethiquable

Nous vous proposons deux quinoas de deux origines différentes.
Le quinoa croquant d’Equateur, de type Valle, au grain coloré, parfumé et croquant après cuisson.
Le quinoa Real de Bolivie, une variété spécifique du Sud de l’altiplano, dont le grain est particulièrement moelleux dans l’assiette.
 
Au-delà de leurs différences gustatives, ces deux quinoas correspondent à des problématiques très différentes. 
 
 

Le quinoa des Andes humides 

Dans le Chimborazo en Equateur, les hautes terres au-dessus de 2800 mètres d’altitude sont abondamment arrosées. Les indiens Puruhaes de cette région cultivent une diversité de produits alimentaires sur des terres volcaniques noires, naturellement très fertiles : pomme de terre, fèves, maïs, fèves, quinoa et autres produits andins.
En rotation avec d’autres cultures, fertilisé par les fumiers de l’élevage local (bovins et cochon d’inde), le quinoa d'Equateur ne déséquilibre pas la gestion de la fertilité du territoire.
Le paysage forme un patchwork de petites parcelles car en raison de la forte densité de population chaque famille ne dispose que de très peu de terre (souvent moins d’un hectare par famille).
En raison de ces contraintes, les hommes et les femmes, notamment les jeunes, se voient obligés de migrer et de rechercher du travail temporaire dans les villes.
Le développement du quinoa, notamment à la coopérative Coprobich, a permis de générer plus de valeur ajoutée sur les petites parcelles disponibles. Il ne résout pas tous les problèmes de pauvreté de la région, mais a contribué à diminuer la dépendance au travail urbain. 
 

Le quinoa des Andes sèches

En Bolivie, le contexte est totalement différent. Aux alentours du Salar d’Uyuni, le fameux désert de sel bolivien, à plus de 4000 mètres d’altitude, les  paysans andins cultivent le quinoa car cette graine est particulièrement résistante aux conditions climatiques extrêmes.
Avec plus de 200 jours de gelée par an et des conditions quasi désertiques, aucune autre culture que le quinoa n’est possible.
Le quinoa se développe en effet « facilement » dans un milieu aride sur des sols pauvres exposés à la sécheresse, au gel, au vent et à la forte radiation solaire due à l’altitude. Depuis quelques dizaines d'années, la Bolivie est devenu le principal pays exportateur de quinoa. Le marché se développe dans un premier temps  vers les grandes villes andines (Lima, La Paz), puis les consommateurs des pays du nord découvrent le quinoa qui va peu à peu conquérir l'Amérique du Nord et l'Europe.
Depuis 2005, les surfaces cultivées de quinoa ont doublé en Bolivie, elles ont plus que quadruplé en 20 ans.

Les deux tiers de la production partent à l’exportation et le volume des exportations boliviennes a été multiplié par cinq entre 2002 et 2007. 
Cette demande accrue a un impact sur le prix pour les producteurs. Celui-ci a doublé en 2008 passant en quelques semaines de 1500 USD/T à 3000 USD/T. Les producteurs ont donc indéniablement connu une importante amélioration de leur niveau de vie. Dans le contexte d’un écosystème aussi fragile que celui de l’Altiplano bolivien, une telle augmentation de la production de quinoa pose aujourd’hui un problème environnemental qui n’apparaît pas avec la même ampleur dans les Andes humides d’Equateur. 
Sur le terrain, les producteurs boliviens tirent la sonnette d’alarme quant au revers de ce succès : le boom de sa production menace la durabilité du système agricole et la gestion communautaire des terres de l’Altiplano bolivien. C’est pourquoi nous avons travaillé avec les producteurs de la coopérative CECAOT, sur une démarche de quinoa durable. 

Le revers de la médaille : une forte pression sur l’environnement 

Si le boom du quinoa permet aux cultivateurs de subsister tout en limitant l'exode rural des populations pauvres de l'Altiplano bolivien, ce n'est pas sans contrepartie. Le revers de la médaille est la pression exercée sur le milieu fragile de l’altiplano

Dans le système agraire ancien, les parcelles de quinoa étaient disposées sur les collines à l’abri du gel. Elles étaient fertilisées grâce à l’abondant fumier que procurait l’élevage de lamas. La vaste plaine de l’altiplano au sol sableux à la faible rétention en eau était réservée aux parcours extensifs des animaux.
Poussée par la demande du marché, les parcelles de quinoa se sont déplacées des collines vers la plaine où la possibilité d’utiliser le tracteur a permis une importante augmentation des surfaces cultivées. Cette colonisation de la plaine s’est faite au détriment de l’élevage de lamas qui perd peu à peu son intérêt face à la meilleure rémunération du quinoa.
L’extension de la monoculture du quinoa au détriment des terres jusqu’alors dédiées au pâturage des lamas a fortement perturbé l'équilibre économique et environnemental des hauts plateaux andins.

Dans cet écosystème très fragile la diminution des troupeaux, la marginalisation de l’élevage, la mécanisation des récoltes avec le recours au tracteur ont multipliés les conséquences néfastes : une moindre résistance à la sécheresse, une carence en fumier, une érosion éolienne amplifiée, une prolifération des ravageurs et un développement des parasites.
La conséquence est aujourd’hui une baisse des rendements de quinoa sur les terres des plaines. Pour maintenir la fertilité, les producteurs sont aujourd’hui obligés d’acheter du fumier provenant de régions très éloignées. Moins visible, le succès du quinoa affecte également l’organisation sociale des communautés paysannes. L’augmentation des zones cultivées a exacerbé les conflits fonciers sur la gestion des terres collectives.

La solution : écouter les paysans

Les paysans andins sont conscients de la pression d’un système agricole intensif. La nécessité de rendre durable cette source de revenus est essentielle pour eux. C’est dans ce sens, que nous avons travaillé avec les producteurs de la coopérative CECAOT à un cahier des charges quinoa durable. Cette démarche s’inscrit dans divers projets de gestion concertée des ressources locales qui émergent actuellement dans l’Altiplano, particulièrement les travaux menés par AVSF,  Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières, avec les producteurs de quinoa de Bolivie.
 

Le label Quinoa Durable

Ce cahier des charges qui tente de concilier objectifs de production élevés et pérennité des ressources naturelles, comprend des critères précis sur lesquels les producteurs s’engagent. Un audit de terrain est réalisé par le certificateur IMO Control, qui effectue déjà la certification bio et équitable de l’organisation. Ce cahier des charges « quinoa durable » vient donc s’ajouter aux certifications déjà existantes qui ne prennent pas directement en compte la spécificité d’une production soutenable de quinoa dans les conditions de l’altiplano. Pour nous, collaborer avec IMO Control, une entreprise de certification européenne, un des principaux certificateur du quinoa bio de Bolivie, répond clairement à l’objectif de constituer un référentiel « quinoa durable » qui puisse demain être adopté par d’autres acheteurs. 
 
Selon ce cahier des charges, les producteurs de CECAOT s'engagent à :
 
Favoriser la culture manuelle du quinoa de montagne et limiter le développement de la culture mécanisée dans la plaine.
 
Mettre en place des assolements communautaires, qui permettent de regrouper chaque année les parcelles de culture et les parcelles en jachère, le but étant de recréer des conditions favorables au pâturage des lamas.
 
Encourager la pratique de jachère d’au moins 2 à 3 ans selon les situations, cela afin de récupérer la fertilité des sols.
 
Inciter la production de fumure au sein de la communauté via l'élevage de lamas, considérant qu’une situation idéale à atteindre serait de respecter un équilibre entre de 7 lamas pour 1 hectare de culture de quinoa.
 
En plaine, imposer des mesures antiérosives par la mise en place de haies vives et de brise-vents.
 
 
La mise en œuvre de telles mesures ne peut exister que si elles s’inscrivent dans une démarche de participation de la communauté et un fort contrôle social. Mais surtout, elle n’est possible que si l’acheteur propose une prime qui encourage les communautés qui acceptent de jouer le jeu. C’est pourquoi nous avons mis en place une prime de 200 dollars par tonne de quinoa, en plus des sur-prix équitables et bio. Nous pensons qu’une action de ce type est à la hauteur des enjeux. Face au boum du marché du quinoa, le commerce équitable doit certes contribuer à un meilleur revenu des producteurs, mais doit aussi être en capacité de soutenir les producteurs pour trouver une autre voie, plus durable.
 

 

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