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Sri Lanka Des petits producteurs de thé qui entrent dans la cour “des grands”

Publié le 07 juin 2022 - Dernière mise à jour le 13 juin 2022

Adrien revient de mission au Sri Lanka. Notre agronome chargé de la région Asie ne tarit pas d’éloge et rapporte des nouvelles enthousiastes sur les dernières évolutions de la coopérative de petits producteurs de thé (et d’épices) bio dans le pays. 3 avancées et qui donnent encore plus de saveurs aux amatrices et amateurs du fameux thé de Ceylan.
 

Thé équitable et bio

Mme Priyanka Kusum Damayanthi, adhérente de SOFA et productrice de thé, avec Adrien en visite sur sa parcelle

 

Des petits producteurs qui, au-delà de la bio,
cultivent un thé agro-forestier et agro-écologique

Ils sont à 400%, nous dit Adrien. Et les photos rapportées de sa mission parlent d’elles-mêmes ! C’est une diversité incroyable qui s’offre à nos yeux. De l’extérieur, une forêt vierge luxuriante. Et, quand on pénètre à l’intérieur, les cultures s’y mêlent et s'entremêlent avec un équilibre savant. Au sol, des bandes de curcuma et gingembre. Puis des lianes de poivre, parfois de vanille, s’entortillent et prennent de la hauteur sur les troncs des palmiers à bétel, qui servent à la fois d’ombrage et de tuteurs.

Entre ces deux strates, les buissons de thé poussent quant à eux sans risquer l’insolation, protégés du soleil par un ombrage varié. Les feuilles de thé se développent doucement à l’ombre d’arbres comme le gliricidia, un arbre de la famille des légumineuses, qui fixe l’azote de l’air dans le sol et fertilise ainsi, de façon naturelle, les cultures qui l’entourent. D’autres arbres tels que les cocotiers, des fruitiers comme le muscadier et le giroflier sont également présents dans les parcelles.

Grâce à la prime du commerce équitable, les membres de la coopérative ont pu recevoir des formations et être accompagnés techniquement par leur coopérative pour mettre en place des pratiques agro-écologiques :

Fabrication de préparations bio-dynamiques, lombri-compost et compost pour fertiliser les théiers.
Creusement de fossés parallèles aux courbes de niveau, permettant de recueillir l’eau de pluie afin qu’elle s’infiltre dans le sol. De cette façon la terre superficielle n’est plus emportée par les pluies pendant la mousson, elle vient se déposer dans ces fossés. L'eau de pluie ainsi récupérée est disposée au pied des théiers.
Couvert végétal du sol (mulch) à base de branches, de feuilles de palmier ou de fibres de noix de coco positionnées aux pieds des arbres
 

Thé équitable et bio Thé équitable et bio

Parcelle de thé agroforestier et ses strates de végétations étagées.
Photo de gauche : des lianes de poivre poussent sur les tuteurs naturels de palmiers de bétel.
Photo de droite : au 1er plan des gliricidia de la famille des légumineuses qui formeront de petits arbustes de taille intermédiaire à l'ombre légère et qui fertilisent le sol.

 

Une coopérative qui fait vivre
la démocratie participative au quotidien 

On le sait peu, ou pas assez, selon nous : la coopérative est un outil déterminant pour favoriser le développement économique des petits producteurs. Elle peut organiser des services moteurs comme l’accompagnement technique (diversification des cultures, pratiques agro-écologiques), des outils mis en commun (transformation, conditionnement) et des services (certifications biologique et commerce équitable, exportation).

Les 3 500 producteurs de SOFA sont répartis dans 53 coopératives “de base” qui élisent 7 membres les représentant aux Assemblées générales.

Là encore, Adrien est admiratif sur la capacité de cette organisation paysanne à faire vivre une démocratie réellement participative. Chaque producteur à qui il a pu rendre visite lui a montré les documents fournis par SOFA : liasse comptable, compte de résultat, descriptif d’utilisation de la prime de commerce équitable, description des audits, détail des ventes aux partenaires commerciaux comme Ethiquable, compte-rendu des réunions. L’information circule, la coopérative organise sa transparence. Un axe important pour emmener tous les membres dans une énergie collective !

"Cela coûte d’organiser. Il faut des salariés qui vont établir des statistiques, des tableaux, répertorier chaque projet : combien d’arrosoirs achetés, plantules distribuées, formations réalisées etc. Faire ce reporting l’écrire et le distribuer, c’est logique, c’est ce que l'on attend d’une coopérative. Pour autant, ce n’est pas naturel, cela s’organise. Il faut mettre des moyens financiers et humains.”

 

Une tasse issue du commerce équitable
qui a un impact concret 

Un prix équitable qui rémunère le travail des producteurs 

“Oui, payer un prix rémunérateur, en l'occurrence supérieur d’environ 40% au prix du thé conventionnel, fait une vraie différence pour les producteurs. Au dire des producteurs, c’est vraiment significatif. Nous pratiquons un commerce équitable qui a de l’impact. "

La fixation du prix équitable est le fruit d’un travail d’enquête sur le terrain réalisé par un bureau d’étude Sri Lankais spécialisé dans le commerce équitable. Un questionnaire mené auprès de 40 producteurs a permis d’établir les coûts de production précis des feuilles de thé fraîches au niveau des producteurs, puis du prix final nécessaire pour assurer un revenu aux producteurs et générer des dynamiques de changement au niveau de la coopérative.
 

Thé équitable et bio Sri Lanka

Réunion avec des membres du Conseil d'administration. L'occasion de partager des informations sur nos deux structures, réaffirmer nos valeurs communes et de partager une vision à moyen terme pour notre partenariat.

A l’agenda également, le calcul du prix équitable au contrat avec Ethiquable et les coûts de production établis par SOFA. Nous avons défini un prix minimum sur la feuille fraîche de thé, plus élevé aux producteurs de 40% au marché conventionnel qui ne couvre pas actuellement les coûts de production. Ce surprix, lié uniquement au contrat avec Ethiquable, a été énoncé et distribué aux représentants des organisations de base qui étaient présents ce jour-là.

 

Nous ne sommes pas dans une situation d’un commerce équitable réduit aux bonnes intentions avec un prix basé sur les prix fluctuants du marché avec un petit surplus. Nous sommes au contraire sur un prix minimum exigeant, rémunérateur, qui couvre les coûts de production. Or ces coûts de production sont aujourd’hui significativement plus élevés que le prix du marché. Notre commerce équitable permet que les paysans qui cultivent et cueillent les feuilles de nos thés obtiennent un prix qui rémunère réellement leur travail.

 

Maîtiser la transformation de la récolte de thé : un changement majeur

Après plus de 20 ans de commerce équitable, la coopérative SOFA est devenue véritablement forte et autonome. En 2022, elle a pris des parts sociales dans une usine de thé. 

Jusqu'à présent, SOFA vendait une matière première périssable. Les feuilles de thé fraîchement cueillies ne peuvent pas être stockées car elles doivent être transformées dans les 12 heures. De plus, les producteurs sont dépendants d’une production quotidienne, qui ne peut pas être reportée ou étalée dans le temps. Pour un thé de qualité, il faut récolter sur une courte période tous les bourgeons et les deux premières feuilles de chaque tige, c'est ce qu'on appelle une cueillette fine.

Les producteurs et productrices de thé sont de fait dans un rapport de force défavorable vis-à-vis des collecteurs et des usines de thé. Si on voulait faire un parallèle avec une de nos productions, on pourrait le comparer au lait cru qui est produit tous les jours et doit être collecté tout de suite, il ne peut ni être stocké, ni être commercialisé en l’état auprès des consommateurs.

Sri Lanka thé équitable et bioSri Lanka thé équitable et bio

Mr Tissabandara, producteur de thé sur 0,4 hectare, membre de SOFA. A gauche : son petit local où il fabrique des engrais liquides biodynamiques à base de feuilles, bouses, et autres, décomposées par les vers (vermicompost). A droite : la pépinière de thé où il sélectionne des thés productifs et résistants et les multiplie par bouturage, pour renouveler et densifier sa parcelle ou les vendre à d'autres producteurs.

Sans accès aux outils de transformation, les producteurs ne peuvent exporter. Celui qui a accès au marché, c’est celui qui transforme : SOFA en achetant des parts sociales dans une unité de transformation de thé change de statut dans sa filière.

Elle a accès en toute transparence à tous les éléments liés à la commercialisation du thé issu de ses adhérents : traçabilité, comptes, contrats, prix et volumes, etc. ainsi qu’à la situation financière de l’usine elle-même.

Aujourd’hui, ce sont des “grands”. Ils peuvent aller chercher eux-mêmes des clients au Japon, aux Etats-Unis. Leur mode d’insertion au marché devient différent.

Si vous aimez le thé, on ne saurait trop vous conseiller de savourer avec eux le fruit de cette indépendance économique !
Vous pouvez enrichir cette première lecture en découvrant l'histoire de notre partenariat
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