Cap vers l’Ouest de l’Afrique. Cette zone concentre la majorité du cacao produit au monde. Côte d’Ivoire et Ghana cumulent à eux deux 60 % de la production mondiale. Le Togo, moins connu pour son cacao, offre pourtant des variétés anciennes et un cacao aux notes aromatiques typiques de ce terroir, et différentes de ses voisins. Ethiquable, avec l’appui de son partenaire, l’ONG AVSF, a choisi d’appuyer une nouvelle filière cacao dans ce pays. Pourquoi le Togo ? Explications
Choisir les régions où nous pouvons avoir le plus d’impact
L’économie du Togo est largement agricole : 2 habitants sur 3 dépendent de l’agriculture et de l’élevage pour vivre. Paradoxe : près d’un habitant sur six souffre d’insécurité alimentaire et près de 70% de la population rurale est pauvre. Les producteurs cultivent riz, ignam, maïs pour les cultures vivrières. Le café et le cacao sont quant à eux, les cultures de rente assurant les revenus. Les producteurs de cette région enclavée du Togo ont peu ou pas accès au marché et vendent principalement leurs fèves à des pisteurs. Leur cacao est alors dirigé vers une production indifférenciée qui massifie le chocolat et réalise notamment des barres chocolatées. Les qualités organoleptiques de ce terroir ne sont donc pas développées, ni valorisées.
Monter une filière dans le pays constitue un véritable défi. Tout particulièrement dans cette zone car il n'existe pas de précédent : on part quasiment de zéro. Le cacao n'est pas considéré comme une filière forte par les producteurs. Il n'existe pas de coopératives structurées. Le cacao est collecté par des pisteurs et vendu à des gros commerçants de la capitale puis aux exportateurs au port avant d'être envoyé en Europe pour sa transformation.
Créer une filière de commerce équitable dans ce contexte est un véritable défi pour les producteurs.
C'est pour cette raison, que nous avons choisi de nous associer à la coopérative ATSEMAWOE et à l'ONG Agronomes et vétérinaires sans frontières
pour créer une filière forte, créatrice d’impact pour les petits producteurs.
Valoriser l’origine Togo
Des variétés anciennes préservées
Arrivées au début du siècle, les cacaoyers cultivés par les producteurs sont des variétés non hybrides provenant d'Amazonie, de type forastero. Ces variétés majoritaires sur le plateau Akebou ont été épargnées, en raison à l’enclavement de la zone, par le virus Swollen Shoot qui a ravagé les vergers Togolais dans les années 80. Dans les plaines, le cacao a été replanté avec des variétés hybrides cultivées en plein soleil. Sur le plateau, les variétés anciennes ont perduré. Elles sont cultivées sans intrants chimiques. Mais les rendements sont faibles autour de 200 kg/ha contre 450 kg/ha en Côte d’Ivoire par exemple ou jusqu'à 1 tonne/ha en Amérique latine. Conséquences : les producteurs se désintéressent de la production et entretiennent peu les cacaoyères. Les mauvaises herbes se développent au sol, l’absence de taille diminue encore le rendement et rend la récolte difficile.
Relancer le cacao du plateau Akebou
Avec le soutien d’AVSF, l’Union de coopératives de cacaoculteurs ATSEMAWOE s’investit pour relancer la filière cacao avec ses membres. Comment ? Avec de nouvelles pratiques de culture, un travail sur les étapes de transformation du cacao (fermentation et séchage) et la valorisation de l’origine auprès des consommateurs de chocolat.
Arthur, agronome chez Ethiquable en charge de la relation avec la coopérative
en visite chez les producteurs. Ces rencontrent permettent d'échanger avec les membres de la coopérative,
d'identifier les besoins et les leviers pour développer les revenus.
Des champs école
30 champs écoles et 8 pépinières ont été mises en place par la coopérative. Les champs école sont des parcelles de démonstration cultivées par les paysans où sont appliquées les pratiques élaborées par la coopérative. Les autres producteurs viennent découvrir les résultats et s’en inspirent pour leur culture. La démonstration par l’exemple s'avère très efficace. Elle parvient à convaincre les producteurs de mettre en place à leur tour ces pratiques qui permettent d’accroître à la fois les rendements et la qualité de leur cacao.
Un cacao qui gagne en qualité
Les producteurs sont également accompagnés sur les étapes de transformation de la fève de cacao. La coopérative a mis en place des petits centres de fermentation et de séchage dans les villages. D'une fermentation en tas sur la ferme, les producteurs sont passés à un processus centralisé, dans des petites unités. Ce changement permet une meilleure homogénéité de la fermentation des fèves de cacao. Il faut savoir que la fermentation est une étape essentielle pour développer les précurseurs d'arôme du futur chocolat.
Construction d'un centre collectif de fermentation et de séchage dans un des villages de la coopérative
Les caisses de fermentation se situent à l'intérieur du bâtiment. Les claies de séchage à l'extérieur sont amovibles
et permettent de rentrer les fèves en cas de pluie.
Une dizaine de villages possèdent ce type d'équipement.
L'union fait la force
Dernièrement, avec le soutien d'Ethiquable, les producteurs se sont rapprochés de leurs voisins ivoiriens de la coopérative SCEB. Ils se sont rendus chez eux pour être formés à la production de biofertilisant maison. De premiers essais sont désormais en cours au Togo. Objectif : rendre les producteurs autonomes avec la création de leurs propres engrais et solutions écologiques de lutte contre les ravageurs. Un savoir-faire qui permet de réduire les coûts des intrants, développer les revenus et offrir plus d'autonomie économique aux producteurs.
Faire découvrir un nouveau terroir de cacao
En offrant des débouchés rémunérateurs à leur cacao, Ethiquable souhaite appuyer les dynamiques de la coopérative et participer à sa structuration, comme son autonomie. Dans les filières conventionnelles (non bio) ou bio intégrées, les producteurs sont dépendants d’intermédiaires qui collectent le cacao. Dans le cas d'une filière de cacao bio dite "intégrée", l’acheteur structure sa propre filière bio et équitable. Il a souvent une filiale sur place, et met en place la filière de A à Z. Il se charge de la collecte, du stockage, de la gestion des documentations pour la certification comme l’export. La certification bio ou équitable n’appartient pas, dans ce cas, aux producteurs. Les producteurs ne peuvent donc pas vendre leur production en bio ou en équitable à d’autres acheteurs. Ce système rapide à mettre en place et efficace peut apparaître comme alléchant pour les producteurs... du moins, au départ. Mais il les rend complètement dépendants de l’acheteur et ne leur permet pas de vendre leur production certifiée à d’autres acteurs.
Dans notre vision du commerce équitable, les producteurs
doivent être maîtres de leur production.
Les décisions émanent de la base, de la coopérative et des producteurs eux-mêmes. Elles sont prises de manière collective avec une gouvernance partagée. Les producteurs gèrent la prime du commerce équitable et l'exportation. Ils choisissent leurs clients.
Aujourd'hui, la première tablette mentionnant leur terroir Akebou s'affiche fièrement dans les rayons des magasins français. Une mise en lumière qui, nous l'espérons, ravira tous les amateurs de grand cru d'origine. Ses notes fruitées d'amande et de raisin sec devraient ravir les papilles voyageuses !