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2025 année des coopératives : immersion chez Enercoop Midi Pyrénées

Publié le 30 avril 2025 - Dernière mise à jour le 06 mai 2025
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Les coopératives construisent un monde meilleur. C'est avec ce slogan qu'a démarré l'année 2025, proclamée année internationale des coopératives par l’Assemblée générale des Nations Unies. L'occasion d'aller vérifier cet adage au sein des SCOP et SCIC croisées tout au long de notre aventure coopérative au sein de notre Scop. Aujourd'hui, nous tendons le micro, ou plutôt le stylo, à Loïc Blanc, co-fondateur, coopérateur et administrateur de la SCIC Enercoop Midi Pyrénées.

 

Comment as-tu entendu parler pour la première fois des sociétés coopératives ?

Comme je suis originaire du Limousin, une région marquée par la ruralité et une certaine culture ouvrière, j’ai entendu parler dans ma jeunesse de coopératives agricoles et ouvrières. Cependant, c'est lors de mon parcours entrepreneurial que j’ai croisé le mouvement coopératif, d’abord de manière un peu lointaine en devenant sociétaire de la Scic Enercoop vers 2010, puis concrètement en 2012 lors d’une liquidation douloureuse qui a abouti à la création de la Scop Editions 138 à Toulouse.

Qu’est-ce qui t’a décidé à travailler dans une SCOP/SCIC plutôt qu’un autre type de structure ?

J’ai vécu intrinsèquement la dérive du capitalisme : la première fois, à la fin d’une belle histoire entrepreneuriale de plus de 12 ans, où j’ai subi des décisions iniques de l'actionnaire majoritaire qui avait tous les pouvoirs, sans tenir compte de la contribution de chacun des collaborateurs à la réussite de l'entreprise. Il s’est enfermé dans sa tour d’ivoire, certain d’avoir toutes les connaissances pour faire face et ignorant totalement les compétences et la vision des salariés. L’ironie du sort est que la société a été in fine liquidée et que nous avons créé avec les salariés licenciés une Scop pour poursuivre l'activité à notre manière.

Je me suis aussi investi à un moment dans les débuts d’une start up de la FinTech. Nous étions cinq. Nous espérions naïvement qu’il serait possible de casser les codes du management traditionnel. Au bout de six mois j’ai explosé, ne trouvant aucune motivation à me lever tous les matins afin de créer de la valeur pour des actionnaires qui, eux, n’étaient pas dans l’entreprise. C’est alors que j’ai décidé que je ne travaillerais que dans des structures où les valeurs de la coopération sont le socle, et si possible de l’économie sociale et solidaire. Un alignement de planètes m’a permis de co-créer Enercoop Midi-Pyrénées en 2014.
 

Enercoop midi Pyrénées Enercoop Midi Pyrénées
 

Quel changement as-tu perçu en démarrant dans une SCOP/SCIC ?

En toute humilité, j’ai vraiment compris à ce moment-là ce que le mot coopération signifiait concrètement. J'ai vécu la richesse de la dynamique collective qui permet de co-construire les principes de décision et de responsabilisation, loin d’une organisation pyramidale traditionnelle.

Ce “co” est important, car il privilégie une approche respectueuse de l’humain. Chez Enercoop Midi-Pyrénées, nous avons, de plus, adopté les principes de la gouvernance partagée, une approche organisationnelle par rôles et missions, plutôt que par fonction. Ce mode de fonctionnement fait vivre nos valeurs et l‘esprit du mouvement coopératif, tout en apportant les clés pour faciliter la réactivité, la prise d’initiative, l’adaptabilité, l’autonomie ainsi que le travail collaboratif.

C’est aussi incroyable de découvrir qu’il existait un antidote à cette maladie du pouvoir de l’argent et du capital, où chaque salarié est considéré en tant qu’être humain. La création, la gestion, le pilotage d’une entreprise ne sont pas réservés à des sachants ou des profils formatés. La dimension collective est aussi marquante. La dynamique est décuplée avec l’implication des sociétaires à tous les niveaux. Chacun a fait sa part dans un respect mutuel, dans un cadre de liberté et de citoyenneté, loin des logiques de domination du cadre économique classique.

Quelles sont les réactions quand tu expliques que tu travailles dans une SCIC ?

La plupart du temps, on me demande de quoi il s'agit. Il y a souvent un temps d’incompréhension, puis un étonnement, suivi d’un sourire d’approbation. Rapidement viennent des questions précises pour mieux comprendre et s’assurer que tout cela est bien réel ! Si la majorité des personnes sont enthousiastes, et parfois expriment clairement que cela devrait être partout la norme, certains peuvent aussi être mal à l’aise. Les réactions sont assez clivantes. Elles dépendent du rapport au travail de l'interlocuteur.
 

année coopérative - enercoop
 

Dans le secteur de l'électricité, comment réagit-on au fait que vous soyez une entreprise coopérative ?

Le secteur de l’énergie a très longtemps été le domaine réservé de l’État. Il l’est encore en partie, notamment sur la question du nucléaire. Pour le reste, ce sont des oligopoles, des multinationales et une multitude de sociétés dépendantes de fonds d’investissement qui s’activent. C’est un secteur hyper capitalistique où les aspects économiques et techniques dominent les questions sociales et environnementales. Face à la prédation capitaliste des gisements d'énergie renouvelable, nous sommes un ovni, un objet curieux. Le fait d’être une coopérative dans le secteur de l'énergie interroge autant que cela rassure. Cependant, après 10 ans d’existence, nous avons acquis une légitimité certaine. Notre statut est une sorte d’assurance que l’intérêt général prime nécessairement. Notre ancrage local est aussi un facteur clé qui rassure.

Une situation particulière où le statut d’entreprise coopérative fait la différence ?

Les collectivités locales ont de l’appétence pour l'approche d'Enercoop à rebours des acteurs classiques aux moyens financiers d'envergure et aux pratiques peu vertueuses.

Elles apprécient cette troisième voie entre le tout privé et le tout public, notre vision à long terme, notre démarche inclusive avec toutes les parties prenantes et notre capacité à générer de l'intérêt collectif et à concrétiser des réalisations exemplaires.


année coopérative - enercoop
 

Une autre SCOP / SCIC dont le parcours t’a marqué ?

Je pense à l’alliance des Licoornes, ce groupement de coopératives (Enercoop, Telecoop, Mobicoop, Windcoop, Biocoop, Coopcircuits, La Nef, Commown, Citiz, Label Emmaus…) qui tentent de créer une économie coopérative qui soit la norme de l’économie de demain. Je suis fier à la fois de sa radicalité en réponse à l'urgence de l’effondrement de la biodiversité qu’engendre le système actuel, de sa capacité à se mobiliser, à innover, et bien sûr de son pouvoir de transformation !

Une structure que tu verrais bien en SCOP/ SCIC ? Pourquoi ?

Plus qu’une structure, c’est plutôt un secteur entier qu’il semble capital d’investir pour le monde coopératif, celui de la santé. Je pense aux maisons de soins qui peuvent regrouper différentes professions libérales, paramédicales et autres thérapeutes. Il y a de nombreux besoins en milieu rural notamment, et de nouvelles coopérations entre ces différentes professions, qui pourraient, avec l'appui des collectivités locales, aboutir à de nouveaux services accessibles et pérennes. Il y a aussi les enjeux autour du vieillissement de la population et donc de la prise en charge de nos aînés.

La plus grosse idée fausse sur les SCOP /SCIC que tu as pu entendre ?

Il n’est pas rare d’être confondu avec une association, fonctionnant sur les subventions et les dons, et de ne pas être considéré comme une entreprise. Comme si la question de la lucrativité limitée et du principe de gouvernance “1 personne = 1 voix” ne peut pas rentrer dans le spectre économique.

Nous évoquons alors nos résultats économiques et financiers et précisons que nous sommes rentables, sans mécanisme de soutien public. Ceci étant, de nombreuses entreprises du CAC 40 bénéficient de subsides publiques, et les associations ont un rôle important et complémentaire pour dynamiser la bifurcation écologique et sociale.

Si toutes les entreprises étaient en SCOP/ SCIC, ça serait…

Un grand pas vers de nouvelles relations au travail, l’émancipation des salariés, la bifurcation écologique et sociale ! Mais, attention les statuts ne sont pas vertus ! Il me semble important que les entreprises coopératives interrogent leur raison d’être pour participer à la nécessaire transition vers une économie plus démocratique, plus écologique, plus solidaire. Les entreprises coopératives évoluent au sein d’un système économique écocide, fortement patriarcal, et qui n’hésite pas à galvauder les valeurs de la coopération.

Le défi est d'être plus “radical” face aux enjeux de l’effondrement de la biodiversité, savoir se déconstruire face à un des fondements de notre société, celui de notre rapport au travail (propriété de l’outil de travail, lien de subordination, citoyenneté et démocratie, égalité et équité, sens et finalité…). C'est aussi être plus en phase avec un futur souhaitable que les SCOP/SCIC peuvent représenter en même temps qu’elles le servent.

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