C’est l’idée clé qui est ressortie des deux tables rondes organisées par l’ONG Agronomes & Vétérinaires Sans Frontières et la SCOP Ethiquable le 30 octobre dernier sur le salon du chocolat.
Alors que le secteur a connu ces deux dernières années des tensions sur les prix et la production, tous les acteurs réunis sont unanimes. Pour garantir une filière cacao de qualité, durable et équitable, tous les maillons de la chaîne doivent se mobiliser pour offrir les conditions d’un cacao bien rémunéré aux producteurs et leurs organisations, garant d’une production sans dégradation environnementale ni exploitation sociale.
Des prix records… en apparence
Le cacao est passé de 2 300 USD/T en 2023 à 8 000–10 000 USD/T en 2024-2025. Pourtant, une lecture en dollars constants change la perspective : en 1976, le prix équivalait déjà à 8 900 USD/T. L’actuel « record » est donc tout relatif.
La courbe actualisée en euros constants montre que le prix n’est pas si élevé. La dégradation de la filière au cours des deux dernières décennies (pauvreté, travail des enfants, déforestation, dégradation des sols) est le fruit d’une dégradation des prix et des revenus des planteurs.
“La période précédente de prix bas ne finançait pas la durabilité, et maintenait les producteurs dans la pauvreté”
Michel Arrion, directeur exécutif de l'ICCO

Un marché sous tension mettant les cacaos bio et de qualité à l’épreuve
Aujourd’hui, les réserves mondiales atteignent à peine 1 million de tonnes, soit moins de 20 % des besoins mondiaux. Dans les années 2010-2012, ce ratio stock/consommation dépassait les 50 %. Autrement dit, il ne reste que deux mois de stock mondial – un niveau critique pour l’industrie.
Si les prix baissent actuellement en raison d’une légère baisse de la consommation et de bonnes perspectives de récolte en Afrique de l’Ouest, le marché reste toujours tendu et instable.
Les productrices des organisations CEPROAA (Pérou) et CACAONICA (Nicaragua) ont témoigné des difficultés générées par ces prix très hauts.
Si cette hausse a profité aux producteurs, couvrant enfin leur revenu vital, elle a fortement fragilisé les coopératives. Les filières bio et de qualité ont été concurrencées par un marché de masse à prix élevés, sans exigence de qualité ou de traçabilité. Certains producteurs ont été tentés de vendre aux collecteurs moins-disants sur la qualité aromatique des fèves et payant comptant.
Les coopératives avec des besoins de trésorerie 3 fois plus élevés pour faire face aux prix élevés de la concurrence locale, ont eu du mal à mobiliser les volumes.
“Aujourd’hui, c’est un gros challenge d’avoir du cacao bio, de qualité”
Yann Gaitan, sourceur Valrhona

Le spectre du cycle infernal du cacao
Cette hausse des prix, si elle est née d’un défaut de production, trouve sa source, selon les intervenants, dans des facteurs structurels : épuisement des sols et arbres affaiblis dans des plantations vieillissantes, maladies comme par exemple le virus du swollen shoot accentués par le changement climatique.
Pour Nicolas Eberhart (Ethiquable), rien ne prouve que les prix resteront durablement hauts. Partout les bons prix ont incité les producteurs à planter davantage, tailler et fertiliser. Dans 3 à 4 ans, ces nouvelles plantations pourraient provoquer une surproduction, entraînant un effondrement des cours, amplifié par la spéculation.
En 2016, les prix sont passés de 3000 $ à 2000 $ en quelques semaines, rémunérant les producteurs en dessous des coûts de production. Cela a été la cause principale de l’abandon de l'entretien des parcelles puis de la prolifération des maladies et de la faible production qui a marqué les 3 dernières années de récolte en Afrique de l’Ouest.
“Ce cycle là il faut le rompre, le détruire, ça passe par les partenariats dans la durée, et par les prix élevés stables”
Nicolas Eberhart - Scop Ethiquable
Vers une stabilité durable
Pour mettre fin à ces phénomènes cycliques, plusieurs outils ont été avancés. Michel Arrion (ICCO) prend position en faveur de mesures de régulation de l’offre pour diminuer demain le risque de surproduction et de nouvel effondrement des prix aux producteurs.
“Il faut arrêter la politique de la production. Si tout le monde augmente la production, le prix va baisser. Il faut réguler l’offre et la demande internationale”
Marc Tanouh - gérant de la coopérative SCEB Côte d’Ivoire
Les représentants d’organisations de producteurs soulignent quant, à eux, l’impact qu’a eu le commerce équitable à travers ses mécanismes de préfinancement et d’engagement dans la durée pour permettre aux coopératives de continuer leur travail de collecte et d’appui à leurs membres.
“Garder nos producteurs mobilisés a été possible grâce à l’alliance avec Ethiquable qui a contribué au préfinancement pour faire face aux hausses de charges.”
Carolina Cruz représentante de la coopérative Cacaonica Nicaragua
Pour Nicolas Eberhart (ETHIQUABLE), rompre le cycle infernal du cacao exige de nouveaux paradigmes :
• Des partenariats durables entre producteurs et chocolatiers ;
• Des prix garantis permettant d’atteindre le revenu vital ;
• Et au-delà des projets ponctuels, une part additionnelle du prix pour financer la transition agroécologique et la durabilité réelle des filières.
Malgré une hausse de 9,5% du prix moyen de la tablette de chocolat bio en supermarché, la consommation continue à progresser.
Pour Thierry Lalet, président de la confédération des chocolatiers, les prix bas du chocolat étaient liés à un prix faible payé aux producteurs. Aujourd’hui, il plaide pour un maintien des prix internationaux actuels pour soutenir la durabilité de la filière.
“ll vaut mieux consommer moins de chocolat mais plus qualitatif, et que les producteurs de cacao vivent mieux.
Thierry Lalet, président de la confédération des chocolatiers
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Pour aller plus loin
Retrouvez les publications communes d'AVSF et Ethiquable sur l'impact des règlementations européennes : RDUE et bio







“Garder nos producteurs mobilisés a été possible grâce à l’alliance avec Ethiquable qui a contribué au préfinancement pour faire face aux hausses de charges.”
